Guide de l'assassin méthodique : comment tuer une plante ?


Deux des solutions les plus réputées pour venir à bout d'une plante sont les suivantes : ne pas l'arroser, et trop l'arroser. On a tendance à se mettre à la place de celle-ci pour comprendre ce qui lui arrive dans les deux cas, imaginant dans le premier qu'elle meurt de soif et dans le second qu'elle se noie. En fait, il n'en est rien, et la quantité d'eau n'influe qu'indirectement sur les fonctions vitales d'une plante.



Technique de la négligence.

Une plante a besoin d'eau. Cette loi fait partie de celles qu'on apprend avant même de croire que le Père Noël n'existe pas. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui fait, dans la vie d'une plante, qu'elle veuille de l'eau ?

Tous les êtres vivants, à l'exception d'Hervé Vilard parce que j'aime bien dire du mal des morts, ils se défendent moins bien, et que pour un mort il représente très bien le règne du vivant puisqu'il appartient aux deux simultanément sans même se trouver dans une boîte ; tous les êtres vivants, disais-je, sont composés de cellules. Pour rappel, les plantes sont aussi vivantes que vous et moi, alors par pitié, arrêtez de leur faire du mal, devenez carnivore. Bref.

Les cellules des plantes diffèrent des nôtres sur de nombreux points, mais celui qui nous intéresse particulièrement est qu'elles possèdent une vacuole. Cet organite assume de nombreux rôles, dont celui d'occuper 90% du volume de la cellule, permettant de lui conserver une forme particulière. La vacuole est composée principalement d'eau, dans laquelle baigne un tas de nutriments.

Autre différence : si les végétaux ont autant besoin d'oxygène que nous, ils ne possèdent pas pour autant le même système respiratoire. L'air pénètre par des pores appelés ostioles, qui sont maintenus ouverts par deux cellules de forme spécifique. Le tout représente un stomate et se présente ainsi :



Que se passe-t-il si la plante manque d'eau ? La vacuole se vide peu à peu (on dit qu'elle se plasmolyse), les cellules perdent leur forme et se tassent. Les cellules stomatiques ne font pas exception. De fait, l'ostiole se referme et la plante ne respire plus.

Avantages et inconvénients :

Cette technique permet d'honorer le contrat à distance et sans preuve, le tout avec un moindre effort. Libre choix de l'alibi. (exemple : "C'est pas moi, j'étais au cinéma.") Fonctionne sur la quasi-intégralité des catégories. En revanche, le procédé prend beaucoup de temps et il faut s'assurer que personne n'entende les râles d'agonie de la cible.

Technique de l'entretien immodéré.

Une plante n'a pas besoin de trop d'eau. Non, une plante n'a pas besoin du même dispositif vocal que l'être humain pour être chiante. Encore une fois, c'est la vacuole qui entre en jeu pour permettre de comprendre ce caprice.

Afin de bien cerner le problème, il faut y introduire une notion importante, bien qu'étrange pour qui n'a jamais observé le phénomène. Il s'agit de l'osmose. On sait que lorsqu'il y a une différence de pression entre deux milieux composés du même fluide, le milieu avec la plus forte pression va se dévider dans le milieu avec la plus faible pression. C'est ce qui permet l'existence du vent, par exemple.

Mais au travers d'une membrane comme celle entourant la vacuole, le déplacement de l'eau ne dépend pas que de la différence de pression entre les deux côtés. Un autre principe intervient, celui de la poussée osmotique. En gros, le milieu qui a la plus faible concentration en éléments secondaires se déverse dans celui qui en a la plus forte, jusqu'à obtenir la même concentration.


Les deux solutions sont séparées par une membrane semblable à celle de la vacuole. La solution de gauche qui est beaucoup moins concentrée que celle de droite va lui donner de l'eau jusqu'à ce que leurs concentrations soient équivalentes.

Une plante entretenue correctement manque toujours un peu d'eau, de sorte que la différence de concentrations entre l'intérieur et l'extérieur de la vacuole n'est jamais nulle. L'eau de la vacuole contenant des nutriments, c'est ce qui permet soit d'en conserver comme un garde-manger, soit au contraire de les redistribuer quand la plante vient à en manquer.

Si la plante est trop arrosée, l'eau à l'extérieur de la vacuole va sans arrêt y rentrer, empêchant la vacuole de se vider et de rejeter les nutriments. La plante meurt alors de faim.

Avantages et inconvénients :

La durée totale de l'opération est grandement réduite. Les risques d'échec sont quasiment inexistants, sauf exceptions comme les bambous, redoutables par leur immunité face à ce procédé. Les traces sont minimes, pensez toutefois à passer un chiffon sur l'arrosoir si vous n'étiez pas équipé de gants. Nécessite un contact prolongé avec la cible.

Conclusion

Votre choix doit se porter selon deux critères : votre arsenal et les conditions extérieures, indépendantes de votre volonté. Prenez garde à ne pas être mêlé aux travaux d'un amateur, les trancheurs comme José Bové sont aussi exposés aux peines capitales que les déclencheurs d'incendies de forêts. Mémorisez une chose : le plus expert d'entre nous est la Grande Faucheuse, sur qui nous nous devons de prendre exemple.

Petite précision : le passage sur l'osmose est en partie faux, beaucoup de données que je n'ai même pas citées en sont responsables. Cet article n'a pas pour but d'être exact, simplement d'aider à visualiser la chose.

2 commentaires:

Jeremy a dit…

Ah enfin ! Mais qu'est ce que tu fabriquais nom di diou de bon diou ! Merci pour cet article fort intéressant. Juste entre parenthèses : le principe de l'osmose est utilisé pour produire de l'eau douce à partir d'eau de mer et puis ça peut aussi faire des trous dans les coques en plastoque (c'est fou ça !). Dire qu'on peut assassiner des plantes avec ce procédé...

Bon et puis sinon je voulais ajouter une dernière chose, ça ne se dit pas trop d'ailleurs mais bon, j'adoooôre ton style d'écriture !

Belore Stergann a dit…

Merci ! Je me suis un peu plus appliqué que pour les autres, j'essaierai de garder cet esprit-là pour les suivants.

Et marrant le coup de l'osmose ! Je m'attendais à ce que nos cours se rejoignent sur la météo, ou la faune marine mais j'aurais jamais cru que c'était un phénomène réputé dans la navigation. Y'a même une boite du roussillon qui s'appelle "Osmose bateau" !

blogger